La Centrale Nucléaire de Fessenheim et le risque sismique


Veröffentlicht am 09.11.2007 in der Kategorie version francais von Axel Mayer

La Centrale Nucléaire de Fessenheim et le risque sismique


On pose souvent la question de savoir si la centrale nucléaire de Fessenheim est protégée contre le risque de tremblement de terre.

La réponse d’EDF est – comme pour l’ensemble des problèmes de sécurité – que ces risques ont été pris en compte lors de la construction de la centrale et que la structure des bâtiments et l’ancrage des éléments critiques ont été calculés pour resister au tremblement de terre «de référence», c’est à dire, pour l’Alsace, le séisme de Bâle en 1356.

Cette réponse appelle plusieurs remarques:
- Il est vrai que dès l’origine, la conception de la centrale a pris en compte un risque sismique. Il est tout autant exact que depuis 1977, des travaux sont régulièrement entrepris à la centrale de Fessenheim pour «renforcer la sécurité sismique». La question peut donc se poser de savoir à quel moment la centrale sera réellement sûre face au risque sismique. De deux choses l’une, la centrale est effectivement en sécurité, et il n’y aurait aucune justification à entreprendre des travaux de mise en sécurité, ou les travaux menant à renforcer cette sécurité sont le signe que la centrale n’est effectivement pas sûre.

- On peut trouverun bon exemple dans le cas des travaux décidés en 2000: à la suite d’une inspection, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a été informée de la découverte «d’une errreur de conception affectant la résistance au séisme des réservoirs PTR et ASG de la centrale de Fessenheim». Il s’agit de réservoirs d’eau de secours, et en cas de tremblement de terre, ces réservoirs auraient pu être endommagés et inneficaces en cas d’incident. Les travaux de consolidation ont été décidésw en avril 2001, et ce n’est qu’au cours de l’été 2000 que l’anomalie relevée a pu être considérée comme corrigée. Ce qui veut dire que durant plus de vingt ans, la centrale nucléaire de Fessenheim ne répondait pas aux normes parasismiques décidées en 1977. Comment, dans ces conditions, peut-on raisonnablement prétendre que tous les risques ont été evalués?

- Et s’il est à peu près évident qu’il est impossible de garantir que la centrale de Fessenheim, malgré les précautions prises, malgré les travaux de consolidation ou de réparation entrepris, soit sûre à 100% vis-à-vis d’un tremblement de terre – il faudrait en effet attendre un tel évènement pour avoir la réponse – la question se pose de savoir si les effets d’un tel tremblement de terre ont été rigoureusement analysés et compris: les études ont tenu compte du tremblement de terre de Bâle, d’une magnitude de 7,4 et dont l’épicentre était situé à une trentaine de kilomètres de la centrale de Fessenheim. Il a été jugé que dans le cas d’un séisme identique (même épicentre, même magnitude), la centrale subirait des effets de magnitude 6,4. Ce qui est probablement justifié du point de vue technologique, mais complètement aberrant sur le plan scientifique: on ne peut savoir aujourd’hui où se situerait l’épicentre du prochain séisme (à 100 kms de la centrale ou à 2 kms?) ni de quelle magnitude il serait. La sécurité de la centrale de Fessenheim est de ce fait parfaitement illusoire, puisqu’elle ne tient compte – en le minorant – que d’un exemple historique dont personne ne peut dire s’il se reproduira à l’identique. Un peu comme si un pompier, parce qu’il n’a jamais vu qu’un feu de cheminée jugeait inutile de prévoir un équipement capable d’éteindre l’incendie d’une maison entière, accident jugé improbable puisque n’étant jamais arrivé...

- Le problème de base est que les techniciens, tout comme les scientifiques, sont encore dans l’ignorance de beaucoup de paramètres concernant les tremblements de terre. Il n’y a qu’à juger de l’ampleur des dégâts du Tsunami de fin 2004 pour s’en convaincre. Avec le peu de connaissances actuelles, on évalue aussi complètement qu’il est possible les conséquences d’un séisme, et l’on prend les mesures de sauvegarde possibles, compte tenu du coût de ces mesures. Car il ne faut jamais oublier que la protection contre l’accident, qu’il soit sismique ou d’une autre nature, est un équilibre entre ce qui est possible de faire techniquement et le coût que l’on veut bien assumer: la centrale de Fessenheim pourrait être bien mieux protégée contre les tremblements de terre, mais pour une telle dépense qu’elle ne pourrait être économiquement rentable. Et d’un autre côté, il est impossible d’évaluer le coût financier d’une catastrophe à Fessenheim, que cette catastrophe soit due à un séisme ou à une toute autre raison.

Que peut-on en conclure? La réponse, au moins pour cette question, est claire : compte tenu de la méconnaissance du rique sismique, compte tenu des dépenses qu’il aurait fallu supporter pour mettre la centrale en totale sécurité – si cela était possible – la logique aurait du être de ne pas construire de centrale nucléaire dans le fossé rhénan.

Et la même logique impose aujourd’hui d’arrêter cette centrale.

Jean Marie Brom